"Le Grand Masturbateur", Salvador Dali, (1929). Huile sur toile, 110 cm x 150 cm. Madrid, Museo nacional centro de arte Reina Sofia.
Un artiste dur et mou
A 16 ans, Dali (1904-1989) confiait à son carnet personnel : "Je serai un génie et le monde m'admirera."
Après une initiation précoce à la peinture puis des études d’art à
Madrid, le peintre est de fait devenu un virtuose du pinceau.
"Le spectre du sex-appeal", Salvador Dali, (vers 1934). Huile sur bois, 17,9 x 13,9 cm, Figueres (Espagne), Fondation Gala-Salvador Dali.
(SALVADOR DALI, FUNDACIÓ GALA-SALVADOR DALI, ADAGP PARIS 2012)
"La Persistance de la mémoire", Salvador Dali, (1931). Huile sur toile, 24 x 33 cm, New York (Etats-Unis), Museum of Modern Art (MoMA).
(SALVADOR DALI, FONDATION GALA-SALVADOR DALI / ADAGP PARIS 2012)
Dali, corps mou, doit se protéger du monde extérieur sous un costume ou derrière un personnage. Sa moustache postiche (il utilisait des cheveux à la fin de sa vie pour la reconstituer), son accent caricatural (qu'il perdait dans le privé), ses tenues extravagantes servent surtout à le dissimuler.
Exhibitionniste et scato
Vous avez peut-être remarqué, dans la toile aux montres molles, une drôle de créature affaissée sur le sol.
"Le Grand Masturbateur", Salvador Dali, (1929). Huile sur toile, 110 cm x 150 cm. Madrid, Museo nacional centro de arte Reina Sofia.
(SALVADOR DALI, FONDATION GALA-SALVADOR DALI / ADAGP PARIS 2012)
Pourquoi ce titre ? Simplement parce que le peintre, qui avait peur des femmes, avouait avoir recours de manière compulsive à la masturbation. Cette grande tête est en fait plongée en plein rêve. Derrière le crâne, une scène explicite se déroule, préliminaire à une fellation. Voyez comme la langue du lion, le pistil dressé de l’arum, tout proches, renforcent l’érotisme du moment. Mais plusieurs apparitions cauchemardesques viennent casser la magie de la scène : des filets de sang sur les cuisses de l’homme, les veines apparentes du visage féminin, les fourmis et surtout l'immense sauterelle venue se fixer juste sous le nez du "Grand Masturbateur". Ce sont autant d’éléments qui renvoient au pourrissement, à l’angoisse et à la mort. Dali exhibe le désir, mais peut-être plus encore la peur du désir.
"Guillaume Tell", Salvador Dali, (1930). Huile et collage sur toile, 113 x 87 cm, Paris, Centre Pompidou, Musée national d’art moderne.
(SALVADOR DALI, FONDATION GALA-SALVADOR DALI / ADAGP PARIS 2012)
Contre "les cocus du vieil art moderne"
On
peut s’étonner qu’un artiste aussi riche et populaire que Dali n'ait
pas eu droit à une grande rétrospective en France depuis plus de trente
ans. C'est que, comme l’explique Jean-Hubert Martin, commissaire de
l'exposition au Centre Pompidou, pour beaucoup d’historiens d’art, le
Catalan reste problématique. Son soutien exubérant au dictateur Franco,
en Espagne, rappelé ici par le blog Espacio Dali, son personnage clownesque, son goût pour l'argent (d'où l'anagramme Avida Dollars, dont le chef des surréalistes, André Breton, se sert pour le critiquer) parasitent l’œuvre.
"Autoportrait au cou de Raphaël", Salvador Dali, (vers 1921). Huile sur toile, 40,5 x 53 cm, Figueres (Espagne), Fondation Gala-Salvador Dali.
(SALVADOR DALI, FONDATION GALA-SALVADOR DALI / ADAGP, FIGUERES, PARIS, 2012)
En 1956, il publie un petit livre, Les Cocus du vieil art moderne, dans lequel il règle ses comptes avec les grands artistes du XXe. Pour lui, Matisse fait triompher le goût bourgeois. Quant à Picasso, il a imposé durablement la laideur.
"Aurore, midi, après-midi et crépuscule", Salvador Dali, (1979). Huile sur contreplaqué, 122 x 244 cm, Figueres (Espagne), Fondation Gala-Salvador Dali.
(SALVADOR DALI, FONDATION GALA-SALVADOR DALI / ADAGP PARIS 2012)
Informations pratiques :
Dali
Du 21 novembre 2012 au 25 mars 2013 au Centre Pompidou
Place Georges Pompidou, 75004 Paris
Métro : Hôtel de Ville, Rambuteau
Tél. : 01 44 78 12 33
Tous les jours de 11h à 21h. Fermé le mardi.
Nocturnes du jeudi au samedi jusqu’à 23h.
De 11 à 13 euros, selon la période
Tarif réduit : de 9 à 10 euros
A lire :Enormément d'ouvrages paraissent à l'occasion de la rétrospective. Commencez par le passionnant catalogue de l’exposition qui revient sur des aspects moins connus de l'œuvre de Dali. Son intérêt pour la science, par exemple, qui l'amène à créer parmi les premières œuvres en trois dimensions, en utilisant le principe de l'hologramme. Mais l'ouvrage pointe également l'avant-gardisme de l'artiste, un pionnier de la performance qui fit écraser des machines à coudre par un rouleau compresseur avant que César ne réalise ses célèbres compressions. L'inventaire en images des actions médiatisées de "l'arteur" permet ainsi de découvrir des séquences méconnues et particulièrement farfelues, comme ce jour de novembre 1957 où Dali utilise des oursins pour peindre en insérant une brindille entre leurs mâchoires !
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